Les Mémoires de Madame Roland sont écrits d'après le modèle de Rousseau: non seulement ils ressemblent aux Confessions sur plusieurs plans mais aussi on en y trouve des mentions directes.
Pourtant, l'adoption de ce modèle met la mémorialiste dans une position conflictuelle à cause de la différence sexuelle: l'exigence de la franchise d'une part, et la pudeur et la vie retirée recommandées aux femmes par Rousseau d'autre part, s'excluant l'un l'autre, la mémorialiste se voit dans une impasse.
Face à ce problème, Madame Roland essaie de brouiller la frontière entre le public et le privée, et cela au niveau de l'écriture aussi bien qu'à celui de la vie: elle prétend que ses activités politiques ne sont qu'un moyen d'aider son mari et qu'ainsi elles ne dépassent pas la limite du privé; de la même manière, elle maintient que ses Mémoires ne sont que des écrits privés, n'ayant été écrits que pour la consolation de l'auteur.
Pourtant, sous ces prétentions ostensibles, nous entrevoyons les mobiles cachés de la mémorialiste qui vise à une utilité publique semblable à celle que préconisait Rousseau: elle croit, comme Rousseau, que ses Mémoires pourront servir à l'étude du coeur humain. Seulement, elle ne veut pas prétendre à un titre d'écrivain. Plutôt, elle voudrait devenir, pour ainsi dire, 'un écrivain malgré lui'. De cette façons, elle espère se conformer à l'idéologie sexuelle de son temps dont Rousseau est le porte-parole, tout en optenant le droit à participer à l'histoire de l'homme en général.