Chez Colette le corps se défait, change en lui-même ou se perd, d'un personnage à l'autre, dans un jeu de reflets. Pourtant le corps effacé suggère paradoxalement la présence, le surgissement du corps sensible, invisible. Figurant et défigurant le corps, le miroir dans le texte permet de représenter la transition irreprésentable entre le réel et l'imaginaire. Comme dispositif textuel, le miroir rend perceptible la vision de l'irréel et le désir impossible.
Le corps de l'homme cesse d'être pure chair pour devenir expression, objet non plus de la délectation, mais de la lecture. Le corps, lieu d'investissement priviligié du désir inconscient, surtout le corps masculin, s'impose comme quelque chose d'inavouable, est aussi une instance de non-dit, impossibilité de dire.
Dans une série de jeux de miroirs infimes, eux-même insérés dans un autre jeu de miroirs englobant, l'image de l'homme chez Colette n'est jamais seule. Elle fait reparaître une autre image du passé d'un autre homme. Et l'homme n'existe dans le texte que pour l'autre, lui-même effacé ou oublié. Il est présent comme un vide ou une ombre que la femme laisse derrière elle comme trace du désir, ou l'expérience de la mort.
Le corps mortel devient corps fantoche dans le texte de Colette. La mort au sens propre du terme, mais aussi la mort de l'amour. L'absence du désir, de la sexualité peut-elle se présenter autrement que sous la forme de l'absence du corps? L'homme-fantoche chez Colette est dû à l'absence de l'amour qu'à la malice de l'auteur envers les personnages masculins, car le corps écrivant est corps percevant et corps désirant.