Depuis l'antiquité on voit la mélancolie par deux visages bien différents : un dégoût de la vie et une source de création. D'une part, la mélancolie a été abordée sur le plan clinique, désignant une pathologie conforme à la théorie des humeurs. Il s'agit de la bile noire. D'autre part, la mélancolie est considérée comme une vertu de son potentiel idéologique. Ainsi elle entre dans un monde littéraire et artistique et s'associe au génie de l'artiste plus ou moins dépourvu. Au moyen âge, elle a été considérée comme une mal satanique qui dérangeait l'homme de reconnaitre la joie et la grâce que lui avait accordées Dieu. On l'appelait cette mélancolie l'«acedia». La Renaissance voyait dans la mélancolie une humeur responsable du génie comme des errements de l'esprit. Les romantiques en faisaient l'emblème de leur poésie sentimentale et leur mode d'expression privilégié du « mal d'un siècle », pris au piège du « vague des passions ». Ils reconnaîssaient dans le thème de la mélancolie l'avènement d'un langage nouveau, nécessaire à la représentation dans les oeuvres, d'une nouvelle réalité, oppressante, vide de sens. Elle est la contrepartie de la démocratisation de l'exceptionnel, de cette quête de n'être que soi-même.
Pourtant le trajet de cette maladie liée à l'émergence de l'individualisme contemporain a été déjà commencé à l'ère classique. Au travers des oeuvres des classiques comme Corneille, Racine, Molière, la mélancolie s'est servie de la source dramaturgique. Surtout le dernier, comme l'a prouvé les travaux exhausstifs de Patrick Dandrey, a parcouru la tradition dramaturgique de la mélancolie : mélancolie érotique et mélancolie hypocondriaque.