Pourquoi s'est-il intitulé Antimémoires le récit autobiographique d'André Malraux? Notre travail est une tentative de répondre à cette question simple, et pour cela nous analysons la technique narrative d'Antimémoires dans les rapports qu'il entretient avec le problème temporel du récit. Il s'agit de repérer le moment de la narration et les déformations concernant la vitesse, la fréquence et l'ordre entre les événements narrés et le texte narrant.
Dans Antimémoires sont employés parallèlement la narration ultérieure et la narration simultanée. Les événements contemporains du personnage-narrateur étant relatés par les énoncés au présent ou au passé simple, le moment de l'encodage de Malraux-écrivain en tant qu'actant extratextuel mais réel devient intangible. Le monde intratextuel raconté par Malraux-personnage-narrateur ne se réfère pas au monde réel dans lequel vivons Malraux en chair et en os et nous, si bien que le monde raconté d'Antimémoires semble autonome, fictif, abstrait et généralisé. D'autre part la narration dans notre texte se fait autour des faits narrés. L'accent est mis sur les événemetns passés plutôt que sur le narrateur. L'instance d'auteur ou de narrateur devient transparent dans la mesure du possible. Cela explique le fait que notre récit contient peu d'information personnelle ou confidentielle. Les autres techniques narratives mettent l'accent sur cette caractéristique qu'est la transparence de l'instance d'encodage dans le texte. Absence de récit itératif ou répétitif, composition scénique et incohérence de l'agencement des faits narrés dans le texte, c'est-à-dire agencement non-chronologique des événement passés produisent l'effet que le monde raconté existe détaché du monde réel. Ces faits signifient en définitive que notre récit ne traite pas de problème personnel de Malraux en tant qu'un individuel, mais de la question que pose Malraux en tant qu'un homme. Antimémoires est bien un récit autobiographique, mais ce n'est pas celui d'André mais celui de Malraux.