Dans cette étude, nous nous proposons de faire des recherches sur ≪la foule fin-de-siècle≫. Engendrée par la révolution industrielle et devenue l'un des traits essentiels de la vie urbaine, cette union d'individus quelconque qu'est la foule constitue un des majeurs problèmes sociaux du XIXe siècle en même temps qu'elle devient un thème littéraire constant chez les écrivains. Intrigué par le fait que la foule est décrite dans la plupart du temps par des attributs négatifs à la fin du siècle, nous avons essayé de bien saisir les caractéristiques de la foule de cette période, d'abord, en nous recourant aux textes sociologiques et, ensuite, en analysant un texte littéraire avec des concepts puisés dans ces derniers. Considérées comme représentatives de la psychologie collective de la fin du XIXe siècle, les théories de Gustave Le Bon et de Gabriel de Tarde nous permettent de dégager plusieurs traits dominants propres à la foule fin-de-siècle : évanouissement de la personnalité consciente, régression intellectuelle des individus dans la foule, influence de la féminité et de l'hérédité raciale. La deuxième moitié de cette étude est consacrée à analyser Les Foules de Lourdes de J.-K. Huysmans au point de vue de ces trois particularités. Etant donné que ce livre est en fait un reportage composé de croquis et de notes sur le lieu où se rassemblent les pèlerins arrivant des quatre coins de l'Europe, nous avons pu constater qu'il comporte beaucoup plus d'informations concrètes sur la foule qu'un texte romanesque ne le fait. En dépit de quelques dérapages dus à l'imagination incontrôlée de l'auteur, Les Foules de Lourdes semblent confirmer les théories de Le Bon et de Tarde à plusieurs égards et constituer un fidèle témoignage concernant la foule fin-de-siècle dont nous avons voulu élucider les aspects essentiels. D'ailleurs, cette étude nous a conduit à entrevoir une sorte d'≪air du temps intellectuel≫ qui explique l'affinité de ce texte littéraire avec les théories psycho-sociales.
