Cette étude a pour but d'analyser le procédé dramatique chez Racine en appliquant le texte biblique. Certes Racine, qui est un trop fin connaisseur de la Bible, en sert ingénieusement pour écrire sa première tragédie sacrée Esther. D'abord le choeur qu'il introduit dans ce drame paraît tout un groupe d'anges qui chantent des cantiques, et mieux encore un moyen approprié pour représenter l'atmosphère religieuse. Sans les chants du choeur, Esther n'aurait pas obtenu un tel succès qu'au temps de l'auteur. De plus, il est indéniable que le choeur puisse, d'une certaine manière, couvrir la monotonie et la simplicité d'un drame scolaire comme Esther.
Racine oppose la pureté religieuse d'Esther contre la haine antisémite d'Aman. Celui-ci veut massacrer les Juifs de la descendance d'Abraham, tandis que celle-là n'a aucune puissance pour se défendre. Enfin elle court se jeter au pied du Roi Assuérus, son mari, et lui confesse sa race d'origine pour sauver son peuple d'Israël. Par un revirement heureux, et pour la part d'Esther, le triomphe et la vengeance sont parfaitement achvés. Du point de vue de contenu, le sujet est tout à fait le même dans le texte de la Bible que dans le drame de Racine. Mais l'on peut voir que l'un se laisse voir un monde plein de cruauté prosaï que, alors que l'autre reflète des scènes à travers la beauté poétique. Racine n'oublie pas toujours la vertu soi-disant ‘Bienséance’ dans Esther, même en négligeant quelque peu la règle de trois unités. Par exemple, le Roi Assuérus qui annonce la condamnation de la mort d'Aman ne va pas jusqu'à dire le massacre terrible de son peuple comme écrit dans le texte de l'Ancien Testament. C'est dire que Racine ne veut dépeindre directement ni violence ni massacre, mais les substitue à une simple allusion.
De nos jours, Esther n'est pas si favorablement accueillie que par les contemporains de Racine. On sait d'une part qu'il faut attendre jusqu'à Athalie pour voir la grande tragédie sacrée, mais d'autre part, quoique mise en cadre du drame scolaire, Esther reste toujours comme théâtre racinien qui implique un certain nombre de vers non moins inoubliables que les fameux vers de Phèdre.