Scédase, ou l'hospitalité violée est probablement l'une des premières pièces d'Alexandre Hardy, peut-etre écrite aux alentours de 1610. Cinquante ans plus tard, dans son Discours de la tragédie, Corneille admire l'oeuvre de Hardy en disant que, Scédase aurait encore sa place au théatre %si la pureté de notre scène pouvait souffrir qu'on y parlat du violement effectif de ses deux filles&. Scédase est, au regard des règles classiques bienséantes, une pièce impure et une tragédie sanglante. Dans cette pièce, on viole, on tue et on se tue sur scène, sous le regard du public. Une nouvelle conception dramatique est donc essayée à une autre manière de figurer des conflits. La tragédie met l'accent sur le role déterminant des événements parce que l'action criminelle se passe sur scène, sous les yeux du public. Cette pièce invite les spectateurs à réfléchir sur la nature du désir et des comportements humains. D'abord le crime trouve sa motivation dans les excès passsionnels des jeunes gens. Les deux jeunes Spartiates épris d'une passion vicieuse, expriment leur désir par la force virile. La mise en scène du crime nous incite à voir la nature fondamentalement cruelle du désir. Le comble de la cruauté est atteint dans la meurtre qui est la radicalisation de la possession de l'objet. Cette tragédie est cruelle, d'autant plus que les criminels sont capables d'élaborer un crime parfait. Les preuves sont effacés après le meurtre ; on ne peut avoir recours à la justice. Seul le spectateur est le témoin. Mais tout se déroule sur un autre plan de réalité. La fiction tragique renvoie le spectateur à son impuissance et à sa distance infranchissable de la scène. La tragédie plonge son public dans un état de malaise et de hantise des victimes. Il faudra bien apaiser les fantomes de ces victimes en dehors du théatre. Ce sera Plutarque qui l'aidera bien. L'histoire du revenant de Scédase sollicitant le général Pélopidas de rassembler les soldats thébains pour battre Sparte finira cette tragédie. Sur la scène, Hardy console d'une autre manière les manes d'Evexipe et de Théane. En leur rendant les noms et les corps, surtout en faisant entendre au public leurs voix et cris, l'auteur fait partager les condoléances tardives. Par ailleurs le titre de la pièce, l'ho spitalité violée, nous invite à penser aux concepts de l'hospitalité proposés par les penseurs éminents de nos jours, comme Levinas et Derrida. En accueillant chez soi le hote le plus étranger on conjure la menace de l'ipséité. On n'est plus l'irremplaçable ou l'insuppléable. Selon Derrida, à légard d'un visiteur on a deux attitudes possibles; l'invitation, si on le recoit en fonction de règles en usage chez nous; la visitation, si on lui laisse notre maison à sa merci. Surtout la visitation, autrement dit, une hospitalité inconditionnelle, infinie ou absolue nous donne la chance de nous libérer du narcissisme et en meme temps nous expose au risque de perdre notre identité. Si le visiteur faiit la loi chez nous, nous ne pourrons plus y vivre. Le malheur des filles de Scédase nous montre qu'une hospitalité inconditionnelle ou pure est inacceptalbe en pratique et démolit l'ordre du bien et du mal. Cette pièce ignore la régle classique du crime et punition de la tragédie. Elle représente pourtant mieux notre monde réel où se manifestent l'hospitalité indugente et la violence sans pitié envers autrui.