Cet article a pour but d``eclairer le motif du Mal represente dans Les Chants de Maldoror de Lautreamont, et de le situer dans la genealogie de la representation du mal par les poetes francais. A travers Maldoror, son double poetique, le poete met en scene les pires mefaits qu``on puisse commettre, tout en reflechissant sur deux concepts relatifs et controverses : le bien et le mal. Maldoror, diable incarne, est un hybride constitue d``organes humains, vegetaux et animaux. Il fait du mal a divers personnages en s’amusant a tailler dans leur chair, avec une cruaute devenue celebre. Cela symbolise le desir d``attaquer, le caractere actif d``une puissance primitive et la creativite. L``auteur fait egalement entendre aux lecteurs les differents cris emis a la fois par ceux qui attaquent et par ceux qui sont attaques. Il s``agit de "cri d``entrailles", selon l``expression d``Aragon, en lesquels se melent le plaisir et la douleur, l``energie offensive et la resignation, l``angoisse et la folie. Le mal maldororien devoile les desirs prohibes de l``humain, ainsi que les marques de la negation continuelle de soi-meme, de la societe et de Dieu. Mais tout comme l``on peut lire dans son nom "Mal dort, or", et comme cet "or" semble insinuer, l``attitude de l``auteur a l``egared du mal est ambivalente : il annule les distinctions entre agresseur et victime, cruaute et pitie, diable et Dieu... a travers les caracteres ambigus des personnages. Par ailleurs, l``ocean mis en scene, a la fois violent et calme, cruel et consolant, reflete l``univers inconscient de Maldoror, univers qui englobe justement ces aspects multiples et contradictoires.Le mal lautreamontien est etroitement lie a celui represente par des poetes francais comme Villon, Musset, Baudelaire et Rimbaud. Mais Lautreamont montre son originalite en revelant la force primitive, l``insurrection provocative et la puissance renversante impliquees dans le mal. Il s``exprime egalement par l``humour noir, que le surrealisme valorisera encore davantage a sa suite,particulierement a travers la cohue des comparaisons les plus hardies introduites par "beau comme".