Le propos de cette etude consiste a montrer que Bonheur d`occasion, premier roman de l`ecrivain quebecois Gabrielle Roy, annonce ou denonce prealablement quelques aspects caracteristiques de "la modernite liquide" que formulera plus tard Zygmunt Bauman, l`un des sociologues actuels les plus influents. Bonheur d`occasion est considere avant tout comme une oeuvre qui a marque le tournant realiste du roman quebecois du fait qu`il symbolise tout a la fois l`arrivee de thematiques urbaines dans la litterature quebecoise et le moment fort du realisme romanesque. Or ce que nous avons souligne dans cette etude, c`est que ce roman nous fournit non seulement le portrait realiste de la societe quebecoise d`une epoque en pleine mutation mais il nous avertit egalement des mefaits a venir de notre societe contemporaine, societe qui fonctionne essentiellement sur le mecanisme de competition/exclusion, qui exige des individus d`etre flexibles et capables de changer de lieu, d`emploi, de valeurs et qui fait des exclus de la modernite autant de "vies perdues" ou "dechets humains". A partir de cette hypothese de travail, nous avons d`abord essaye d`analyser l`espace topologique de la ville qui n`est autre que l`espace d`exclusion a travers la division sociologique existante entre Saint Henri(Basse ville pauvre) et Westmount(Haute ville riche). Ensuite, nous avons tente de montrer le mecanisme selon lequel, le chomeur, une fois exclu de la circuit, devient quelqu`un de superflu, a savoir un dechet humain a l`instar de la production incontrolee de dechets autour de l`episode de "la dompe" de la Pointe Saint Charles. Nous avons enfin ajoute que si un homme est categorise comme un surplus, c`est surtout parce que c`est un mauvais consommateur par manque de pouvoir d`achat. Certes, aucun personnage du roman ne se considere comme un surplus, ni comme un dechet, chacun est encore a l`etat d`occasion, susceptibles d`etre reutilises, recycles. Mais a l`issue de la lecture du roman, il nous semble que la distance entre les objets d`occasion et les dechets n`est pas si grande et que c`est bien ce message qu`on doit percevoir dans la vision quelque peu alarmante de Gabrielle Roy.